Les forces militaires israéliennes ont lancé jeudi un message inquiétant aux habitants du camp de réfugiés d’Aïda à Bethléem, leur disant qu’à moins qu’ils n’arrêtent de jeter des pierres "nous vous gazerons jusqu’à ce que vous mouriez."
Les forces militaires israéliennes ont fait une descente dans le camp et tiré sans distinction des grenades lacrymogènes et aveuglantes sur les fenêtres des gens, sur les balcons, dans les rues étroites, prétendument pour riposter aux jeunes Palestiniens jetant des pierres sur le mur de séparation israélien qui borde le quartier.
Pendant la descente, un soldat israélien dans un véhicule militaire s’est adressé en arabe à l’aide d’un haut-parleur aux manifestants et aux habitants du camp. L’incident inquiétant a été filmé.
“Habitants d’Aïda, nous sommes les forces d’occupation israéliennes, si vous jetez des pierres nous vous atteindrons par les gaz jusqu’à ce que vous mouriez. Enfants, jeunes, personnes âgées, chacun d’entre vous – nous n’épargnerons aucun d’entre vous”.
Pendant l’attaque contre les manifestants, l’un âgé de 25 ans a été arrêté. L’annonce par haut-parleur a poursuivi, “Nous avons arrêté l’un de vous, il est entre nos mains. Nous l’avons arrêté chez lui, et nous le tuerons pendant que vous regardez tandis que vous jetez des pierres .”
Le message effrayant s’est terminé : “Nous vous aveuglerons par les gaz jusqu’à ce que vous mouriez, vos maisons, vos familles, vos frères, vos fils, tous”.
Par la suite, après l’annonce, les forces israéliennes ont sans distinction tiré dans les rues des grenades lacrymogènes et des balles d’acier enrobées de caoutchouc.
L’usage de la force a été si intense que les enfants de deux centres communautaires d’Aïda et les habitants de maisons voisines ont dû être évacués vers une autre partie du camp, et qu’au moins un jeune a été emmené à l’hôpital en raison de problèmes respiratoires.
Les affrontements sont une partie d’une recrudescence de la violence qui s’est déployée en Israël et dans les territoires palestiniens occupés au cours du mois dernier, pendant lequel au moins 64 Palestiniens et 9 Israéliens ont été tués.
Outre le langage troublant utilisé pour inspirer la terreur parmi les habitants — dont la majorité n’était pas impliquée dans la projection de pierres — le film apporte la preuve d’un membre de l’armée israélienne admettant l’utilisation de gaz lacrymogène pouvant entraîner la mort.
La semaine dernière, le 21 oct., Hashem al-Azzeh, 54 ans, est mort à Hébron en raison d’une inhalation trop importante du gaz lacrymogène utilisé par les forces israéliennes pour venir à bout des manifestants, et deux jours plus tôt une femme âgée dans la zone de Batan el-Hawa à Silwan, à Jérusalem-Est, a succombé aux effets du gaz lacrymogène tiré pendant les affrontements.
“Dans cette déclaration, nous voyons — parmi un éventail d’actes criminels en puissance — une menace publique de tuer des civils palestiniens, et d’exécuter un prisonnier," a déclaré à Ma’an Simon Reynolds, Coordinateur de l’Assistance Juridique à BADIL, Centre de Ressources pour les Droits des Habitants et des Réfugiés palestiniens.
"Bien que de telles menaces soient effroyables, elles ne sont pas forcément surprenantes. Etant donné le bilan croissant des morts civiles parmi les Palestiniens, de telles menaces ne font qu’ajouter des mots aux actes.
“Ce à quoi nous assistons est apparemment une politique de non-droit dans laquelle les forces israéliennes peuvent exercer une force meurtrière dans une quasi-impunité. Ce qui est particulièrement troublant est qu’il s’agit d’une politique qui semble avoir, à tout le moins, l’acceptation tacite des niveaux les plus élevés de gouvernement.”
De nombreux groupes de défense des droits de l’homme ont publiquement condamné la réponse militaire disproportionnée d’Israël dans le maintien de l’ordre lors de manifestations et dans la riposte à de prétendues attaques.
“Tirer sans faire de distinction ou délibérément sur des observateurs ou des manifestants qui ne représentent aucune menace imminente est une violation des normes internationales auxquelles sont liées les forces de sécurité israéliennes", a déclaré le 11 oct. Kenneth Roth, directeur exécutif de Humans Rights Watch (Observatoire des Droits de l’Homme), après qu’un assistant de recherche de HRW ait été visé et blessé par un tir alors qu’il observait une manifestation près de Ramallah.
Au début de cette semaine, Amnesty International a exigé qu’Israël arrête les assassinats illégaux dans les territoires palestiniens occupés, en déclarant que les forces israéliennes semblaient avoir "déchiré les pages du règlement."
“Il y a de plus en plus de preuves que, alors que les tensions ont crû, les forces israéliennes semblent dans certains cas avoir déchiré les pages du règlement et avoir eu recours à des mesures extrêmes et illégales," a déclaré Philip Luther, Directeur des Programmes sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
"Une force meurtrière intentionnelle ne doit être utilisée uniquement quand il est absolument nécessaire de protéger la vie," a-t-il ajouté. "Au lieu de cela nous voyons de plus en plus les forces israéliennes bafouer de façon insouciante les normes internationales en tirant pour tuer dans des situations où cela est totalement injustifié."
En février de l’année dernière, Amnesty a publié un rapport intitulé “Gâchette facile”, qui a trouvé que les forces israéliennes font preuve d’un "mépris impitoyable" pour la vie humaine, dans une impunité presque totale pour l’assassinat de civils palestiniens dans les cas examinés depuis 2011.
Megan Hanna est une photographe et journaliste pigiste basée en Palestine.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers